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Critique de Marie Deparis janvier 2007
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Cela ne fait pas dix ans que Patricia Lefebvre prit le pinceau pour la première fois, à la faveur, si on peut dire, d’un accident qui l’immobilisa, l’amenant à reconsidérer ce qui pouvait être essentiel. Encouragée par d’autres artistes, comme Jaber, cette autodidacte eut très vite l’opportunité de pouvoir exposer son travail, dans des lieux aussi
Patricia Lefebvre
3 мая 2006
Texte Patricia Lefebvre
Cela ne fait pas dix ans que Patricia Lefebvre prit le pinceau pour la première fois, à la faveur, si on peut dire, d’un accident qui l’immobilisa, l’amenant à reconsidérer ce qui pouvait être essentiel. Encouragée par d’autres artistes, comme Jaber, cette autodidacte eut très vite l’opportunité de pouvoir exposer son travail, dans des lieux aussi prestigieux que l’ONU à Genève ou encore à Los Angeles, Hambourg, à Propriano, en Corse, ou à Paris…
Comme nombre d’artistes, mais de manière plus délibérée encore, elle a choisi la peinture plutôt que l’écriture, qu’elle pratiqua longtemps : un autre langage, un autre vocabulaire, plus libre dans ses formes, plus directement proche des émotions -à la fois de celle des spectateurs et des siennes- plus intime aussi donc.
Aujourd’hui, au cœur de son travail, une impressionnante galerie de « portraits imaginaires », comme elle aime à les appeler. Le portrait est pour l’artiste une véritable passion qu’elle n’a jamais cessé de travailler. Plus géométriques, plus cubistes puis plus « tribaux » par le passé, ils sont aujourd’hui plus clairement figuratifs . Mais s’agit-il seulement d’une figuration « ingénue », néo-romantique ?
D’emblée, on est frappé, happé par ces yeux grands ouverts, ces regards omniprésents autour desquels l’artiste bâtit les traits du visage. Des visages aux airs mélancoliques suggérant par leurs lignes et contours, un certain dépouillement, la sensualité hiératique des « anges au visage grave » de Modigliani.
Les mélanges de couleurs, subtilement déclinées à partir de tons primaires donnent à ces portraits une aura particulière. Une sorte de maquillage, explique l’artiste, en deçà duquel on peut imaginer un visage, réel ou fictif, mais autre, comme un double…
La théâtralité de ce « masque » coloré est pourtant troublée par ces regards envahissants qui ne sauraient tromper, s’il est vrai, comme on le dit souvent, que les yeux sont les fenêtres de l’âme.
Qui voir entre cet éclat de vérité au fond des prunelles et ces visages sciemment grimés des couleurs de la palette ? Qui Patricia Lefebvre représente-t-elle ? Ne procédant d’aucune photo ni d’aucun modèle, les visages peints ici, projections imaginaires de l’artiste, ne sont sans doute ni plus ni moins que le prolongement d’elle-même, l’expression plus signifiante qu’il n’y parait de son intime conviction. En d’autres termes, une sorte d’autoportrait. Pourtant, aucuns ne se ressemblent ; pour chacun, l’expressivité est différente. Mais il y a l’omniprésence du regard, inversant le rapport habituel du spectateur à l’œuvre. Ici, sans échappatoire, le spectateur se sent observé, regardé par le portrait, fusse-t-il imaginaire. Un tel retournement crée indéniablement un malaise diffus, que le spectateur percevra hâtivement comme intrusion... Ce serait ignorer qu’en deçà de ces deux yeux grands ouverts, il subsiste quelque chose d’impénétrable, de secret dans ces portraits. N’est-ce pas simplement l’indépassable mystère de l’altérité? « La relation au visage», disait le philosophe Emmanuel Levinas, « est d’emblée éthique ». Autrement dit, le visage, le regard, dans leur dénuement originel et leur exigence, portent en eux, intrinsèquement, un sens, un questionnement : celui de la personne humaine, du respect. Il y a quelque chose de cela dans les portraits de Patricia Lefebvre, un appel sans appel, une exigence qui ne trouve pourtant pas toujours réponse.
Parallèlement à ses « portraits imaginaires », l’artiste ressent le besoin, comme pour équilibrer et compléter son travail, de réaliser des œuvres abstraites, allant du paysage abstrait à l’abstraction pure. Ici, dit-elle, c’est la ré(re)-création : pas de contrainte de forme, de technique, de vraisemblance a minima, de structure ni de règle ; juste le sensation pure et la joie de l’explosion des couleurs. Là où les portraits touchent l’âme et le cœur, en ce qu’ils rappellent à l’existence éthique d’autrui, les toiles abstraites de Patricia Lefebvre relève de l’intuition et du geste instinctif, dans une expérimentation permanente.
Un travail complet et plus complexe qu’il n’y parait, car sous-tendu en secret par des exigences dépassant celles de la jolie peinture.
Marie Deparis
Critique d’art
Paris, Janvier 2007
Patricia Lefebvre
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