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Journal d'un TELien (26)


Journal d’un TELien (26)

Vendredi 30 avril 2004.

Personne ne m’a jamais posé la fameuse question : " Et si tu allais sur une île déserte, quel livre emporterais-tu ?"…

… hé bien ! moi, le tableau dont j’aurais aimé être l’auteur, c’est Maison près d’une ligne de chemin de fer.

Samedi 1er mai 2004.

Et j’aurais pu ne pas le faire… mais je l’ai fait.

Dimanche 2 mai 2004.

Il y a des pensées qui vous tombent dessus, comme ça… sans que l’on sache pourquoi celle-là, ni d’où elle vous vient.

Tout à l’heure, j’étais à mâchouiller le manche de mon pinceau, perché sur mon tabouret face à la toile à peine souillée ; je n’avais pas vraiment le sens de ce que je faisais… une première trace d’un mélange d’ombre brûlée et de blanc, sur un fond de bleu de cobalt très pâle. À peine esquissée dans ma tête, la seconde trace resta en suspens ; depuis, je mâchouillais et je mâchouillais, du vernis et des pailles de bois plein la bouche. Je me faisais l’effet d’un castor occupé à son barrage. Mais en fait de vanne, c’était bel et bien celle de mon élan qui semblait fermée. C’est à dire qu’à l’instant où j’allais ajouter à ma première envolée, la pensée que si je voulais que ça change… ben ! fallait peut-être que je me retrousse les manches.

Je m’étais vu en un éclair dans mon jean trois pièces sur le perron de l’Élysées, pour mon premier discours de politique générale à la nation. Aurais-je du me contenter du portefeuille de la Culture, voire briguer la tête d’affiche de Matignon ? Comment défendre une politique si il y a toujours quelqu’un plus haut pour balancer des grandes phrases, mettre les subalternes au travail sans leur accorder les moyens de leur tâche ? Non, non… le mieux, c’est d’être le grand patron ! Et de m’entourer de personnes à la fois sensées, raisonnables, compétentes, motivées, proches des réalités, prêtes à l’innovation, débordantes d’idées, et surtout capables de secouer mon cocotier pour le cas où je m’endormirais sur mes lauriers.

Il y aurait bien évidemment la gestion du tout venant : des conflits internationaux au plein emploi, du social à la santé publique, de l’enseignement et de la formation à politique culturelle… bref ! la routine, mais dans l’inédit et l’efficacité.

Cependant, mon premier " grand chantier " : la Déclaration des Droits des Artistes et du Public. Mes quelques relations, lorsque j’étais simple quidam, me connaissaient cette idée récurrente. Je passe sur les longues et difficiles démarches, négocations, rédactions de textes, sur les écueils et les résistances rencontrés, sur les arguments à " aiguiser " ou les compromis à accepter ; peu de succès ne s'obtiennent sans mouiller les chemises. Mais le résultat sera au rendez-vous… la Loi n° 2002-567 du 6 août 2006 relative à l'intérêt public des arts plastiques, votée puis publiée au Journal Officiel en date du 16 août 2006, proclamera (extraits) :

Article 1

À compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, toute ville de plus de 8 000 habitants, dans la mesure où elle serait sollicitée par un collectif d'artistes, devra se doter d'une galerie d'art publique, mise à la disposition de ce collectif pour la somme symbolique d'un euro et pour un bail de trois ans renouvelable par accord tacite.

Article 2

Les fonds nécessaires à la construction ou à la restauration des bâtiments servant de galeries d'art publique seront proportionnellement versés par l'État, les régions, les départements, les villes. Pour ces dernières, les fonds seront répartis d'une manière relative, et selon le nombre d'artistes résidant dans ces villes et prenant part à un collectif. De plus, elles auront à leur charge les dépenses de fonctionnement et d'entretien des lieux.

Article 3

Les villes ainsi dotées d'une telle structure ne pourront en réserver l'usage aux seuls artistes résidents. Tout artiste établi dans une commune limitrophe pourra prétendre jouir de la galerie d'art publique la plus proche, pourvu qu'il adhère à un collectif.

Article 4

Tout artiste adhérant à quelque collectif aura le statut d’artiste libre et une couverture sociale prise en charge pour partie par l’État, les régions, les départements. Cependant, le fait d’adhérer à un collectif n’impliquera aucune soumission de l’esprit et d’orientation dans l’œuvre de l’artiste ; celui-ci restant maître de son sujet, et libre de sa pensée. Aucun des organismes payeurs n’aura pour rôle quelque contrôle que ce soit, ni autorité pour encourager un art officiel ou une culture d’État, ni même de favoriser l’émergence de tel ou tel artiste. Le travail de ce dernier est seul garant de son statut et de sa couverture sociale.

Article 5

Les galeries publiques, gérées par les collectifs, sont libres d’accès à l’ensemble des publics. Espace d’exposition, de sensibilisation à l’art, d’éducation, de découverte, d’échange et de commerce, la galerie publique est ce lieu privilégié où chaque artiste, en toute liberté et à moindre frais, propose au public le résultat de son travail.

Article 6

Toute œuvre acquise dans une galerie publique ouvrira pour son acheteur à un droit à une réduction d’impôt, et pour les foyers non imposables à des avantages tels que : abonnements gratuits à des manifestations culturelles (cinéma, théâtre, concerts, festivals, etc.), inscriptions à des ateliers culturels, prises en charge à des formations à caractères artistiques ou culturelles, à des événements ponctuels du type rencontres ou échanges culturels nationaux ou internationaux, etc.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'État.

" Ouaf ! Ouaf ! Ouaf !"… Les aboiements de Patoche m’ont ramené à la dure et triste réalité. Le chien n’en finissait pas de tirer la jambe de mon pantalon. Ma femme avait du me l’envoyer, il était sans doute l’heure de se mettre à table. C’est que le temps passe plus vite à mâchouiller un manche de pinceau, le nez en l’air et l’œil dans le vague, qu’à triturer la toile la langue entre les lèvres. Alors je me suis laissé tiré à hue et à dia jusqu’à mon assiette.

" Je t’ai préparé un avocat au vinaigre… " Après la marinade à la bière rousse pour couleuvre que je venais de me mitonner en douce dans l’atelier, ça faisait bonne mesure…

 

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